4.4 Organiser des simulations

Récapitulatif

Une fois que le développement du PAP est terminé, celui-ci doit être testé afin de vérifier si les actions précoces identifiées sont faisables dans le délai prévu et si les rôles et responsabilités en cas d’activation sont clair·e·s. Les simulations et les exercices sont indispensables pour tester l’efficacité des plans, des protocoles et des directives ainsi que la capacité des personnes chargées de mener des actions précoces. Le présent chapitre décrit les deux types d’approches disponibles, leurs applications pour les PAP dans le cadre du FBP ainsi que les étapes nécessaires pour leur implémentation. Les informations d’orientation présentées ci-dessous ont été adaptées des Guidelines for Developing Emergency Simulations and Drills de l’Organisation panaméricaine de la santé (Conseils pour concevoir des simulations et des exercices d’urgence, OPS, 2011).

Simulations et exercices : à quoi servent-ils·elles ?

Les simulations et exercices transposent le FBP de la théorie dans la pratique. Ils·elles permettent aux Sociétés nationales, aux autorités gouvernementales, aux organisations humanitaires et aux communautés de tester, d’évaluer et de perfectionner le protocole d’action précoce. Ils·elles permettent en outre à toutes les personnes qui y participent de mieux comprendre leurs rôles et responsabilités dans l’éventualité d’une activation et d’instaurer la confiance entre les personnes et les équipes. Dans le cas des PAP soumis au Mécanisme du DREF pour l’ABP, il faut prouver que les actions précoces envisagées sont faisables sur le court laps de temps entre la prévision et l’événement, des simulations et exercices sont en excellent moyen de le démontrer.

Les simulations offrent une occasion de mieux faire connaître le FBP en général et un PAP spécifique en particulier, mais elles apportent aussi un appui direct à la capacité opérationnelle de la Société nationale qui tire des enseignements des résultats de ces exercices et les intègre dans la future élaboration de plans de préparation et d’intervention (composant PIE : Test et apprentissage). Les branches, en particulier celles qui sont actives dans les zones à haut risque, doivent tester fréquemment les actions précoces de FBP dans le cadre d’exercices et de simulations. C’est seulement si les volontaires et le personnel sont formé·e·s et savent exactement ce qu’ils·elles doivent faire avant un événement extrême qu’ils·elles peuvent assumer leurs responsabilités. En outre, les simulations encouragent les acteur·rice·s humanitaires à mieux se préparer et à agir rapidement afin d’éviter une catastrophe. Rappelons qu’une meilleure préparation aux catastrophes au niveau des communautés exige un changement de paradigme, car il faut passer du réactif au préventif, et les exercices jouent un rôle prépondérant à cet égard.

Dans une simulation rigoureuse, tous les éléments de la notification du déclencheur à la sélection des communautés en passant par l’acheminement des fonds et leur distribution à la population cible sont testés, ce qui signifie que les services hydrométéorologiques, la FICR, les autorités locales, les branches sélectionnées de la SN et les communautés sont impliqué·e·s.

Objectifs des simulations

  • Évaluer la capacité de prise de décisions du personnel et des volontaires chargé·e·s de l’implémentation des actions précoces qui figurent dans le protocole d’action précoce.
  • Valider le protocole d’action précoce et ses hypothèses.
  • Tester les mécanismes de coordination des parties prenantes internes et externes qui ont un rôle à remplir dans le PAP.
  • Préparer les autorités investies d’une autorité décisionnelle à gérer les aspects du PAP qui les concernent pendant une activation.

Objectifs des exercices

  • Tester la faisabilité, la viabilité et la rapidité des actions précoces.
  • Identifier les éventuels problèmes de coordination entre les parties prenantes concernées.
  • Évaluer les capacités et l’utilisation de techniques, d’outils, de ressources et d’actions dans le cadre de l’implémentation du protocole d’action précoce.
  • Intégrer pleinement et former les volontaires et les branches dans l’activation du PAP.
  • Évaluer la réaction générale d’une communauté témoin aux actions précoces prévues.
  • Générer des connaissances pour la révision du PAP.

Différences clés entre une simulation et un exercice

Simulation :

  • Il s’agit d’un exercice théorique, également appelé exercice de table, car une simulation peut se faire dans un seul et même espace clos ou sur plusieurs sites interconnectés.
  • Elle se base sur un scénario et un script qui définit les activités, le flux des informations ainsi que les rôles joués par les participant·e·s.
  • Un rôle est assigné à chaque participant·e·s, en fonction de son travail habituel ou non.
  • Le développement d’événements se déroule sur un intervalle de temps simulé que le script définit. Ce point est contrôlé par l’équipe de coordination de la simulation.
  • Chaque partie du scénario se déroule sur un laps de temps relativement court, si bien que des « sauts temporels » sont nécessaires. Le scénario, qui prévoit plusieurs situations, problèmes et ressources, se déroule de manière séquentielle qui fait avancer l’exercice.
  • Le temps à prévoir pour la simulation inclut le temps pour la préparation, l’identification ou la révision des rôles, l’analyse des informations rassemblées avant l’exercice, un délai raisonnable pour résoudre différentes situations et un moment pour l’évaluation.

Exercice

  • L’exercice se déroule en temps réel.
  • Il consiste avant tout en actions pratiques, menées par des participant·e·s qui remplissent les rôles et responsabilités qui leur sont assigné·e·s dans le PAP.
  • Lors de l’exercice, un environnement est créé qui est aussi proche que possible de ce qu’il se passerait dans une situation réelle les jours précédant un événement extrême.
  • Les « sauts temporels » ne sont pas autorisés dans la mise en œuvre des actions qui correspondent à un scénario.

Simulation

  • Des informations sont communiquées dans des messages distribués à différents moments pendant l’exercice ; ils peuvent être transmis oralement, sur papier, par voie numérique, etc.
  • Des conditions comparables à celles qui prévalent en situation de catastrophe peuvent être créées : en faisant du bruit, en manipulant l’éclairage et la température, en interrompant certains services (eau, lumière, communications), en suscitant l’’incertitude, en communiquant des informations contradictoires ou incomplètes, etc.
  • Le·la contrôleur·euse détient les informations actuelles concernant le scénario. Si nécessaire, il·elle peut endosser le rôle des participant·e·s qui ne sont pas représenté·e·s dans la situation décrite.

Exercice

  • Les personnages et les équipements sont réels, à l’exception des acteur·rice·s qui jouent le rôle des victimes, des spectateur·rice·s, des journalistes et autres personnages jugés indispensables pour l’exercice.
  • La mise en œuvre d’un exercice peut impliquer un certain degré de risque pour les participant·e·s et les observateur·rice·s, il faut donc toujours prévoir un plan d’urgence pour l’exercice proprement dit.
  • L’exercice doit être interrompu sans délai si une situation génère un danger réel pour les participant·e·s.

Simulations

  • Choisissez la structure de l’équipe (et distribuez les rôles : coordinateur·rice, équipe de conception, contrôleur·euse, évaluateur·rice·s et logistique) qui doit être formée pour organiser et mener la simulation sous la supervision d’un·e coordinateur·rice.
  • La Société nationale doit rédiger un plan initial dans lequel figure l’objectif de la simulation, sa portée, le public, une ligne du temps et un budget.
  • Identifiez les exigences logistiques, l’organisation et le développement d’une simulation, sachant qu’un exercice exige encore un espace physique, des équipements et du mobilier, du matériel, des moyens de transport, du matériel de support, des équipements de communication, etc. Documentez la simulation et intégrez les enseignements que vous en avez tirés en fonction des besoins.

Exercices

  • Identifiez un site qui convient pour l’exercice.
  • Informez les participant·e·s et les non-participant·e·s bien à l’avance.

Dans la pratique, les termes « exercices » et « simulations » sont souvent utilisés de manière interchangeable, en particulier dans le contexte du FBP. Un grand nombre de Sociétés nationales préfèrent parler de « simulation » plutôt que d’« exercice » et d’« exercice de table » plutôt que de « simulation ».

Exemple Croix-Rouge philippine :

Recueillir les fruits d’une action précoce : récolte anticipée des abacas en prévision du typhon Tisoy

FbF in the Philippines Typhoon

© CRP

La Croix-Rouge philippine (CRP) est passée maître dans les simulations de FBP. En 2019, la Croix-Rouge philippine (CRP) a organisé trois simulations pour tester les actions précoces de son PAP Typhon : la récolte précoce des abacas sur l’île de Catanduanes, le renforcement des abris dans la province d’Aurora et l’évacuation du bétail dans la province du Davao oriental.

CRP Format exercice de table + exercice

Même si les actions précoces testées étaient très variées, la structure de la formation de 3 jours destinée à toutes les branches provinciales de la CRP était identique :

Jour 1

Le premier jour est consacré à un exercice de table pour passer en revue tout ce que la branche doit faire pour simuler le moment où elle reçoit le message d’alerte le jour -4 (4 jours avant que le typhon touche terre).

Jour 2

Le deuxième jour, la CRP organise un exercice qui couvre les actions précoces à entreprendre le jour -3 et le jour -2.

Jour 3

Le dernier jour est réservé à un débriefing détaillé de l’exercice de simulation.

La CRP encourage d’autres branches de la Croix-Rouge à participer à tous ses exercices de simulation afin de favoriser l’apprentissage et la capacité en matière de PAP. Elle y convie également ses partenaires du gouvernement provincial. Le deuxième jour de l’exercice, de grands groupes de participant·e·s sont réparti·e·s entre plusieurs communautés pour mettre en œuvre les actions précoces dont ils·elles sont chargé·e·s dans un scénario d’activation.

Chaque simulation exige d’amples préparatifs avant qu’elle puisse avoir lieu. Cette activité doit absolument être programmée conjointement avec toutes les agences concernées au niveau de la province à un stade précoce (au moins 1 mois à l’avance).

Les critères ci-dessous constituent les éléments minimums de la préparation de la CRP :

  • un scénario « typhon » aussi proche que possible de la réalité
  • des zones/lieux cibles clés
  • un engagement de l’ensemble des agences et participant·e·s dont la présence est nécessaire pour remplir les rôles et responsabilités du PAP
  • des ressources (transport, matériel, volontaires, etc.)

Consultez le rapport Simulation 2019 de la CRP, disponible ici, pour une présentation complète de l’approche de la CRP.

Ces simulations ont permis à la CRP d’engranger des avantages non négligeables. Le délégué FBP, Damien Riquet, explique : « La simulation a grandement aidé la branche de la CRP basée à Catanduanes à activer ses actions précoces le 2 décembre 2019, juste avant le passage du typhon Tisoy. Les tempêtes précédentes ont détruit des abacas, provoquant des pertes énormes pour les agriculteur·rice·s, mais aussi une perte de revenu sur une longue durée pour les personnes qui étaient habituellement employées au traitement des fibres. »

« Les volontaires de la CRP étaient livré·e·s à eux·elles-mêmes, car l’équipe n’avait pas pu gagner l’île trois jours avant que le typhon touche terre. Mais la branche de Catanduanes a pris la main et mené les actions précoces comme prévu : 5 barangays (communautés) ont été sélectionnées avec les autorités municipales de Caramoran et les volontaires ont été déployé·e·s dans chacune d’elles pour (i) recruter 20 travailleur·euse·s, (ii) valider la liste des exploitations qui devaient recevoir une aide pour la récolte précoce des abacas et (iii) superviser la récolte précoce des abacas arrivés à maturité dans ces exploitations. La coordination avec les autorités provinciales aurait pu être meilleure, mais les volontaires ont appliqué les enseignements tirés de l’exercice de simulation et ont même testé la taille des feuilles sur les jeunes abacas. »

« Il est primordial de former les branches, les autorités et les volontaires, mais les exercices de simulation servent aussi à valider certaines hypothèses formulées dans le PAP : le temps nécessaire pour consolider les abris au moyen des kits correspondants, le meilleur moyen d’orienter les travailleur·euse·s et les bénéficiaires, la marche à suivre pour enregistrer les animaux évacués, etc. Or, la seule manière de récolter tous ces enseignements consiste à effectuer un test en temps réel (et en l’absence de typhon pour une activation, il vaut mieux organiser des simulations). »

Étape 1 : planifier l’exercice/la simulation

Choisissez le type, simulation ou exercice, et la date lors qu’une première réunion de coordination avec les partenaires clés. Parmi les partenaires indispensables au test des actions précoces, citons l’équipe de coordination du FBP, les autorités gouvernementales (les services hydrométéorologiques nationaux, les services chargés de la gestion des catastrophes et les départements sectoriels concernés), les volontaires des branches respectives, les membres des communautés, les bureaux de la FICR et les organisations partenaires concernées. Définissez le champ, les objectifs, le public cible et la ligne du temps, le budget, la coordination interinstitutionnelle et une fiche d’information technique. L’exercice/la simulation doit reproduire autant que possible les conditions d’une activation en temps réel. Ce qui signifie que si un PAP prévoit plus d’un type d’actions précoces, elles doivent toutes être testées. Et conformément à l’approche flexible du FBP, les communautés qui participent à la simulation ne doivent pas être sélectionnées avant qu’une (fausse) prévision arrive tandis que le financement pour le matériel d’urgence à se procurer en cas d’activation ne peut pas être libéré avant qu’une notification du déclencheur soit envoyée.

Étape 2 : concevoir l’exercice et en rédiger le script

Planifiez et préparez les éléments de l’exercice, notamment les événements, missions et ressources disponibles. Le scénario pour les exercices de simulation doit donner des instructions précises pour les parties prenantes concernées : les services hydrométéorologiques nationaux, le siège de la Société nationale, le comité RRC local.

Il ne faut pas sous-estimer l’importance du développement d’un matériel d’orientation bien conçu pour l’implémentation de la simulation/l’exercice. Le « script de simulation » doit couvrir toutes les situations réalistes et prévues dans l’activation du PAP afin de vérifier l’adéquation des actions précoces sélectionnées, des rôles et responsabilités et des procédures. Il doit idéalement concerner toutes les étapes, de la réception de la prévision qui confirme que le déclencheur est atteint à la demande de fonds en passant par la sélection des communautés et des ménages cibles et l’implémentation au sein de la communauté.

Vous trouverez un calendrier pour la préparation des exercices ici.

Étape 3 : organiser

Il faut donc un script, mais aussi une organisation générale. Celle-ci doit s’assurer que les exigences sont remplies, et notamment que du matériel, de la place, de l’équipement, des systèmes de communication, des moyens de transport, des logements et un budget sont disponibles. Sélectionnez les participant·e·s, les évaluateur·rice·s et les observateur·rice·s conformément aux rôles et responsabilités prévu·e·s dans le PAP.

Étape 4 : tester le PAP lors d’une simulation ou un exercice

Le·la coordinateur·rice de l’exercice ou le·la contrôleur·euse doit expliquer la méthode et les rôles avant l’activation de l’exercice. Le script pilote la séquence des événements, des messages et des situations/problèmes, c’est sur cette base que les participant·e·s prendront leurs décisions. Le·la contrôleur·euse peut intervenir si des actions ou des décisions ne correspondent pas au scénario d’une action précoce réelle. Les évaluateur·rice·s et les observateur·rice·s doivent se trouver dans la zone où se déroule l’exercice mais ne peuvent pas interrompre la simulation.

Étape 5 : évaluer et documenter

L’évaluation de l’exercice/la simulation est l’occasion d’identifier des difficultés, des recommandations et des solutions pour optimiser le PAP. L’évaluation et le suivi de l’efficacité des actions précoces sont indispensables pour garantir que des enseignements sont tirés. Le suivi peut être assuré par le personnel du projet ou des technicien·ne·s travaillant pour des organisations partenaires. Des fiches de suivi et d’évaluation (les mêmes que pour une vraie activation) se trouvent ici. Dans l’idéal, les observations et les enseignements tirés doivent être débattus et partagés dans le cadre d’une séance de travail d’un jour ou d’une demi-journée juste après la simulation de manière à garantir que les points de vue et remarques de toutes les parties prenantes concernées sont prises en compte.

Étape 6 : réviser le PAP (si nécessaire)

Si votre simulation ou exercice indique que des hypothèses, des lignes du temps, des procédures ou des dispositions de votre PAP ne sont pas réalistes ou pas faisables, modifiez votre PAP en conséquence. Assurez-vous d’intégrer au PAP les enseignements tirés de l’exercice ou de la simulation.

Quelques exemples tirés de projets de FBP

Simulation du PAP Cyclone au Bangladesh en 2019

Livestock_evacuation_20180912_104045

 

BRDCS volunteers move supplies 20180912_110953


Simulation du PAP Pluie de cendres volcaniques en Équateur en 2019

Boîte à outils